Saturday, June 15, 2013

ST&I: Un Bateau de Sauvetage pour la Tunisie!



Résumé:

Cette modeste contribution intervient à un moment où la Tunisie cherche à trouver son chemin vers une véritable démocratie, une croissance équitable ainsi que la dignité pour son peuple. Le chômage des jeunes en général et celui des diplômés du supérieur en particulier ont constitué le carburant principal de la Révolution du Jasmin. À moins d’identifier les véritables causes sous-jacentes, toutes les solutions prescrites, aussi ingénieuses soit-elles, ne produiront pas les résultats collectivement désirés. Ce bref document, tente de montrer que la cause-clé sous-jacente, et donc le talon d'Achille de la Tunisie, est la mauvaise structure de son industrie. Le cadre analytique du Système National d’Innovation (SNI) est utilisé pour s'attaquer à ce problème complexe et durable. Des indicateurs normalisés, couvrant les principales composantes du SNI, sont utilisés dans le but de démystifier les coupables et d'engager un processus curatif collectif pour notre société souffrante.

Introduction:

Le 14 janvier 2011, le peuple tunisien libre a chassé du pouvoir son dirigeant corrompu et a collectivement voulu construire une société démocratique moderne éprise de paix. Le 23 octobre 2012, il a confirmé son choix historique et organisé les premières élections démocratiques réussies. La Révolution de Jasmin qui continue, ponctuée par ces deux dates clés, a été un paisible réveil spontané sans idéologie, sans hiérarchie, réclamant la justice sociale et économique. Elle a été activée par la soif du peuple pour la dignité, la paix et la démocratie, les mots brise-chaînes de nos poètes et les prières qui cherchent des bénédictions divines pour nos martyrs qui ont donné leur sang pour la liberté ou qui sont mort en attente d'une miche de pain. Ces événements sans précédent ont déclenché le Printemps Arabe et inspiré le Mouvement Occupy.

Malgré le succès des élections, le processus politique relativement démocratique et le soutien de la communauté internationale, la Tunisie est encore aux prises, entre autres, avec un chômage élevé, des inégalités régionales significatives et une corruption croissante. Il va sans dire que cette situation durable est le résultat de près d'un demi-siècle de leadership autocratique, exacerbée par une transition post-révolution de deux ans trop irrégulière. En effet, au moment d’écrire ces mots, le chef du gouvernement de la troïka a présenté sa démission, après avoir échoué à constituer un gouvernement réduit apolitique et composé de technocrates; ceci, à la suite d'une première, et espérons dernière, exécution politique fermement condamnée.

Ces échecs gouvernementaux successifs, témoignent de l'incapacité des dirigeants politiques, au sein et hors du gouvernement, à appréhender les problèmes les plus urgents. Ils ont continué à parler de plusieurs questions comme la sécurité, la croissance nationale et régionale, ainsi que de l'emploi, sans proposer d'actions ou de plans viables pour gagner la confiance de la population et commencer à alléger la pression sociale. La dernière spirale de deux ans, menant à un grotesque assassinat politique commis de sang-froid, a été accélérée par une lutte acharnée pour le pouvoir, un populisme futile et une absence de volonté et/ou de compétence pour démystifier les véritables causes de la crise. En fait et au mieux, presque toutes les actions et les programmes déployés nous rappellent le gouvernement d’avant la révolution !

La crise du chômage des jeunes a été le témoin d’une défaillance systémique persistante, une bombe à retardement qui a été systématiquement ignorée, en faveur d’une restriction des libertés, d’une intimidation des citoyens et du pillage du pays, mais abordée théâtralement avec des politiques illusoires. Cette situation de chômage était caractérisée par un pourcentage élevé, apparemment absurde mais symptomatique, de diplômés du supérieur sans emploi. En effet et pendant la dernière décennie ou presque, plus le demandeur d'emploi était instruit moins il/elle avait de chances à trouver un emploi ! Cette situation absurde sera dénommée le Paradoxe Tunisien.

Une vision post révolution:

La Tunisie post révolution dispose d’une occasion unique et historique d'exploiter intelligemment ses avantages concurrentiels et de rattraper rapidement les pays développés, tout en prenant en même temps les devants pour devenir une Société du Savoir Durable (SSD). Cette vision à long terme stipule que la Tunisie assure sa place sur la scène internationale comme une société fondée sur le savoir, où la croissance durable induite par l'innovation, le capital humain créatif et habile avec un esprit d’entreprise et un système politique démocratique, ouvrent la voie à une compétitivité des forces économiques et de travail, une croissance durable équitable et inclusive à l’échelle nationale et régionale, ainsi que l'amélioration du bien-être local et global. Il est intéressant de noter, que les causes de la Révolution du Jasmin, du Printemps Arabe et le Mouvement Occupy sont symptomatiques des mêmes maux sociaux, faisant de la Tunisie du Savoir Durable une expérience digne d'attention pour le reste de la planète.

Pour concrétiser cette vision, la Tunisie doit adopter plus que jamais, une approche systémique où les quatre piliers de l'Economie du Savoir (ES) sont harmonieusement combinés dans le temps et dans l'espace. Pour converger rapidement et solidement vers la vision énoncée ci-dessus, il est nécessaire de créer un environnement favorable à l'innovation pour une création efficace, la diffusion et l’utilisation du savoir par le biais d’un Régime Economique et Institutionnel proactif. Il est aussi nécessaire de disposer d'une population éduquée et compétente capable d'utiliser efficacement le savoir grâce à un Système Educatif flexible et réactif de haute qualité et de faciliter la communication, la diffusion et le traitement de l'information au moyen d’une infrastructure moderne de Technologies de l'Information et de la Communication (TIC). Il est enfin nécessaire de poursuivre vaillamment à la fois la connexion et l'assimilation du savoir global, mais aussi l'adaptation et la création d’un savoir local pour le bénéfice socio-économique via un Système National d'Innovation (SNI) viable.

Alors que les quatre piliers de l’ES ci-dessus sont nécessaires à la fondation d'une économie prospère basée  sur le savoir, ils restent insuffisants quant à la réalisation d'une société durable. Afin de garantir la durabilité, il est fondamental de mieux caractériser la Société du Savoir (SS) que nous allons construire en général et le type d'innovations que nous allons produire en particulier. Dans ce cadre, la croissance économique, la cohésion sociale et la protection de l'environnement doivent aller main dans la main pour faire du développement durable une partie intégrante de l'élaboration des politiques. Les dimensions complémentaires d’ES et de durabilité, intégrées dans un cadre systémique nécessitent une gouvernance adaptée et une architecture institutionnelle cybernétique capable des fonctions requises de direction, de surveillance et de coordination.

Evidemment, avoir une vision, une forte volonté de la poursuivre et même une occasion unique de la lancer est loin d'être suffisant si les substrats socio-politiques, institutionnels et matériels minimaux n'existent pas! En effet, la Tunisie est un pays avec des ressources naturelles restreintes, une élaboration de politiques de ST&I et des expériences de gestion en R&D limitées et des institutions de coordination et de contrôle en ST&I quasi-inexistantes et, au mieux, non fonctionnelles. Ainsi, pour que la Tunisie converge  rapidement et progressivement vers une telle vision, elle doit garantir l’adhésion de toutes les parties prenantes, rechercher clairement et concevoir des secteurs polarisant de croissance stratégique avec un portefeuille d’initiatives phares de croissance dans le cadre d'un plan d’action global et cohérent de développement à long terme.

Les économies fortes comptent généralement sur trois principaux secteurs phares, à savoir, l’armement, l'espace et la santé. Les petits pays, tels que la Tunisie, disposant de ressources naturelles limitées, d'un marché réduit, d'une main-d'œuvre bon marché mais néanmoins en léger recul, ainsi que d' une base hautement qualifiée et relativement forte, a cependant le potentiel de s'engager avec succès dans des secteurs et des technologies à haute valeur ajoutée, tout en investissant de manière viable dans des secteurs utiles pour sa sécurité stratégique, comme par exemple, l'agriculture, l’énergie et l’eau.

Afin que la vision ci-dessus réussisse et mène ainsi vers la durabilité, il est nécessaire d’œuvrer à l'instauration d'une société de consommation et de production durables dont la performance pérenne est mesurée par des indicateurs appropriés, tels que son empreinte. Simultanément, la Tunisie doit focaliser dès le départ sur les technologies éco-efficaces et aller progressivement mais sûrement vers l'innovation verte avec un engagement entrepreneurial fort et dynamique, renforcé par des investissements publics agressifs. Pour y arriver, ainsi que pour renforcer sa résilience face aux perturbations, la Tunisie a besoin de toute urgence de développer ses capacités et d’acquérir le savoir-faire, les méthodologies et les outils adéquats, en particulier l’analyse et la conception fondées sur des éléments tangibles, la planification et la gestion stratégique, la prospective pour le développement, la réorientation et l’établissement de priorités pour le SNI et l’élaboration de feuilles de routes pour la technologie et l'innovation.

Revigoré par cette vision ainsi que les stratégies viables et les plans d'action nécessaires pour l'atteindre, le peuple tunisien sera en mesure de reprendre espoir, de donner confiance à son leadership et de travailler dur en attendant avec impatience un avenir meilleur pour lui-même et pour ses enfants. Néanmoins, cela n'est possible que si le contexte politique est mûr pour une telle entreprise. Tout en préparant les bases nécessaires pour lancer cette vision et gagner autant de terrain que possible pour la mise en œuvre réussie de ce processus long et complexe qui durera quelques décennies, le gouvernement actuel, avec le soutien de l'opposition et de toutes les institutions concernées devrait s'entendre sur une convention inclusive post révolution, s'abstenir de jeux de pouvoir politique et garantir les trois nécessités suivantes : (i) la sécurité, (ii) des emplois pour les jeunes et (iii) le redémarrage de l'économie. Une tentative de mettre en œuvre un projet similaire, a été initié par l'ancien chef du gouvernement et immédiatement abandonné par le principal parti politique, dont le Secrétaire Général n'est rien d'autre que l'initiateur!

Un Système d’Innovation en devenir

Un Héritage d'Innovation de Trois Millénaires:

Au cours des trois derniers millénaires, la Tunisie a été un lieu d'exception pour le mélange, le rayonnement et la floraison de plusieurs civilisations telles que les Carthaginois, les Romains et les Hafsides. L'ouverture du pays aux autres cultures, sa tolérance ethnique et religieuse, a coïncidé avec sa prospérité telle qu’attestée par la diversification de ses marchés et de son commerce, ainsi que par sa maîtrise de la science et de l'innovation

La Tunisie vu le savoir prospérer pendant son ère Carthaginoise. L’architecture, la construction navale, l'irrigation et l'agriculture étaient parmi les nombreux secteurs réussis tel qu’attesté, entre autres, par les 28 volumes du Traité de Magon du 4ème siècle avant JC.

Dès le VIIe siècle, la Tunisie a joué un rôle clé et a vu sa capitale Kairouan, devenir une plaque tournante des activités intellectuelles et d'apprentissage dans le monde arabo-musulman. La grande mosquée de Kairouan, fondée en 670, ainsi que sa branche d'enseignement a été un centre d'éducation pour la pensée islamique et les sciences profanes. Parmi ses anciens élèves et ses savants, Ibn Al Jazzar, un médecin musulman influent de Xème siècle, bien connu pour son livre "Zad Al-Musaffir" (le viatique). Au cours du XIIIème siècle, Tunis devint la capitale de l'Ifriqiya. Ce changement de pouvoir a contribué à l’épanouissement de la mosquée Al-Zaytouna, hôte de la première et de la plus grande université dans l'histoire de l'Islam, comme principal centre islamique d'apprentissage et de savoir. Ibn Khaldoun, un universitaire tunisien, est le plus célèbre parmi les nombreux anciens étudiants de cette institution. Il est plus connu pour son Al-muqaddimah (Le Prologue) et est considéré comme l'un des pères de l'historiographie moderne.

La Tunisie Beylicale du XIXème siècle a vu la création par Ahmed Bey, de l'Ecole Technique en 1840 et du Collège Militaire du Bardo en 1855. Cet effort de modernisation a continué avec Mohamed Sadok Bey, sous l'influence de son ministre Kheireddine Pacha par la création, entre autres, du Collège Sadiki en 1875, en partie inspiré du système éducatif européen. L'ex-président Habib Bourguiba est parmi ses anciens élèves.

L'ère du protectorat français, a vu la création d'un certain nombre d’institutions de recherche, dont, sous leurs appellations actuelles, l'Institut Pasteur de Tunis en 1893, l'Institut National Agronomique en 1898 et l’Institut National des Sciences et Technologies de la Mer en 1924. Après la seconde guerre mondiale, les institutions de recherche sus-cités ont été complétées par l'Institut des Hautes Etudes de Tunis en 1945, rattaché à l'Université de Paris. Parmi ses étudiants, 300 tunisiens étaient inscrits.

Le Précurseur du Système d’Innovation:

La Tunisie indépendante a très tôt répondu à ses besoins en éducation et en recherche avec plusieurs réalisations socio-économiques. Le pays a rapidement répondu à ces défis par la création de l'Ecole Normale Supérieure, en 1956 et l'Institut National Agronomique de Tunis, précédemment dénommé Ecole Supérieure d'Agriculture de Tunis, en 1959. Ces réalisations ont été suivies par la création de l'Université de Tunis en 1960. L'Université comprend la Faculté des Sciences, la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, la Faculté de Droit, Sciences Politiques et Economiques, la Faculté de Médecine et de Pharmacie et la Faculté de Théologie, l'ancienne Zitouna. Presque simultanément, le Centre de Recherche sur les Problèmes des Régions Arides et le Centre d’Etudes de Recherches Economiques et Sociales (CERES), ont été créés en 1961 et 1962 respectivement. L'Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis (ENIT) a été créé en 1969.

Il est important de noter que près d'une décennie après la création de la première université en Tunisie, il a été décidé en 1968, d'abandonner le système universitaire et de placer tous les établissements d'enseignement supérieur et les centres de recherche nationaux sous le contrôle de Direction Générale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (DGESRS) nouvellement créée au Ministère de l'Education Nationale. Peu de temps après cette restructuration particulière et significative, il a été décidé, en 1972, d'établir des diplômes universitaires avancés équivalents au niveau du master, lançant ainsi les études de 3ème cycle en Tunisie.

Cette dernière dynamique de restructuration et de création, ainsi que l'augmentation du nombre du personnel enseignant, a permis la création de certains laboratoires de recherche et de plusieurs programmes de 3ème cycle dans plusieurs disciplines. En conséquence, le nombre d'étudiants a augmenté et a incité à l'ouverture de plusieurs établissements d'enseignement supérieur d'abord à Sousse et Sfax, en 1974, puis à Monastir et Gabès en 1975

Ce développement accéléré,  a abouti à la création, en 1978 et pour la première fois, d'un ministère dédié à la recherche scientifique, surnommé le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS). Ce ministère a non seulement hérité et élargit la mission de la DGESRS, mais a également reconnu la nature de la phase de développement du système de recherche et la nécessité de renforcer les capacités et ainsi, de conserver l'enseignement supérieur et la recherche universitaire étroitement liés.

Le Système d'Innovation de la Tunisie aujourd'hui:

L'événement marquant qui a lancé le Système Tunisien de la Recherche Scientifique a été la promulgation, le 31 janvier 1996, de la Loi d'Orientation relative à la Recherche Scientifique et au Développement Technologique. Cette loi constitutive était le résultat de la création, le 17 février 1991 au sein du Premier Ministère, du Secrétariat d'État à la Recherche Scientifique, promu le 17 février 1992 à un Secrétariat d'Etat pour la Recherche Scientifique et la Technologie (SERST). Les activités du SERST portaient sur les activités de recherche orientées vers le développement socio-économique, tandis que la recherche fondamentale et l'enseignement de 3ème cycle étaient restés sous le Ministère de l'Education et des Sciences.

Formulé dans le cadre du SNI, les principaux objectifs de la Loi d'Orientation étaient:

  • Renforcer la coordination entre les différentes composantes du SNI afin de créer la synergie nécessaire, de construire des compétences durables et d'assurer un soutien financier continu;
  • Promouvoir le renforcement des capacités comme pilier essentiel du SNI, ainsi que l'innovation technologique;
  • Augmenter progressivement les dépenses de R&D, tout en assurant la diversité des ressources financières et en renforçant les contributions privées et internationales;
  • Promouvoir l'innovation et le développement technologique par le soutien aux entreprises innovantes, la valorisation des résultats de la recherche, le renforcement du partenariat entre recherche et industrie, mais aussi par la création de techno-parcs et d’incubateurs;
  • Renforcer le suivi et l’évaluation des activités et des structures de recherche;
  • Développer la coopération internationale afin de faciliter l'échange des meilleures pratiques et  d'accéder aux réseaux internationaux d'excellence scientifique; ceci afin de bénéficier d'un financement international et d'être un contributeur actif au savoir humain.  
Peu de temps après, un certain nombre d'institutions qui rappellent les Systèmes Nationaux d'Innovation modernes ont été créées et/ou ajoutées à celles déjà existantes, au sein et/ou sous la tutelle du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) et du Ministère de l'Industrie et de la Technologie (MIT). Comme indiqué dans les objectifs sus-mentionnés, ces institutions devaient assurer l'exécution, le suivi et l'évaluation des activités prévues par la Loi d'Orientation et de ses décrets de mise en œuvre ultérieurs.

Le SNI actuel comprend les principales composantes suivantes, regroupées dans les quatre différents niveaux standards :

Niveau 1: Stratégies de Niveau Elevé

  1. Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique et de la technologie,
  2. Comité de Haut Niveau pour la Science et la Technologie,
  3. Comité National Consultatif pour la Recherche Scientifique et la Technologie.

Niveau 2: Ministère

  1. Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (La Direction Générale de la Recherche Scientifique (DGRS) est le principal organisme de financement de la recherche scientifique),
  2. Ministère de l’Industrie et de la Technologie.

Niveau 3: Agence

  1. Comité National d'Evaluation des Activités de la recherche Scientifique (CNEARS),
  2. Observatoire National des Sciences et de la Technologie (ONST),
  3. Agence Nationale de Promotion de la Recherche Scientifique (ANPR),
  4. Institut National de Normalisation de la Propriété Industrielle (INNORPI),
  5. Agence de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation (APII).

Niveau 4: Acteur de la Recherche et de l’Innovation

  1. Les universités et les Centres de Recherche Publics (le système Tunisien de R&D est composé d'environ 140 laboratoires de recherche et500 unités de recherche, évoluant dans 13 universités, ainsi que de 33 centres de recherche publics, 8 centres techniques et 10 techno-parcs.)
  2. Les entreprises commerciales et les institutions de recherche privées (l'industrie en Tunisie est composée de presque 6 000 PME ayant 10 salariés et plus, dont 2 800 sont totalement exportatrices, 1975 à participation étrangère. 1221 entreprises sont 100% étrangères et 1679 sont des PME totalement exportatrices.)

Afin de dynamiser le SNI et faciliter l'émergence de synergies entre ses différents sous-systèmes, un certain nombre de programmes de R&D et d'instruments financiers ont été déployés depuis 1992. Parmi ceux-ci, les Programmes de Recherche Fédérés (PRF), le Programme National de Promotion de l’Innovation Technologique (PNRI), le Programme de Valorisation des Résultats de la Recherche (VRR) et la Prime accordée au titre des Investissement en R&D (PIRD). Les mécanismes de capital-risque, en particulier la SICAR (Société investissement à Capital Risque), ont été modifiés en 2009 pour encourager la prise de risques.

Un Aperçu de la Performance du Système d'Innovation :

Les secteurs de l'enseignement, de la recherche scientifique et de l'innovation ont toujours eu une place de choix dans la stratégie de développement de la Tunisie. Cela vient en reconnaissance de leur rôle essentiel dans le développement du pays. Selon les données de la Banque Mondiale, les dépenses de la Tunisie sur l’éducation en 2008 étaient de 6,3% du PIB, ce qui est nettement supérieur au taux de dépenses de l'Algérie (4,3% en 2008) et celui du Maroc (5,4 en 2009). En 2009, 34,4% de la population concernée ont bénéficié de l'enseignement supérieur (Algérie : 32,% en 2011, Maroc : 13,2% en 2009). Selon le Rapport sur la compétitivité mondiale du Forum économique mondial 2011-2012, la Tunisie est classée 24ème quant à la scolarisation dans l'enseignement primaire et 40ème quant à sa qualité. Par ailleurs, le même rapport classe la qualité globale du système éducatif à la 41ème place et la qualité de l'enseignement des mathématiques et des sciences à la 18ème place. Il est cependant malheureux de constater que la Tunisie a été beaucoup mieux classée l'année dernière!

Inscriptions, enseignement supérieur (% brut)


Les dépenses pour la R&D ont vu une augmentation constante au cours de la dernière décennie. Elles ont plus que doublé, passant de 0,5% en 2000 à 1,1% en 2009. Même si cette performance reste inégalée dans la région (par comparaison elle est de 0,1% pour l'Algérie en 2005 et de 0,6% pour le Maroc en 2006), elle échoue à répondre aux besoins du pays à remonter dans la chaîne des valeurs. Le nombre de chercheurs en R&D, par million d'habitants, a presque triplé au cours des deux dernières décennies. En effet, l'indicateur est passé d'environ 700 en 1998, à 1,900 en 2008. Cette performance reste notable dans la région par rapport à 170 pour l'Algérie en 2005 et 661 pour le Maroc en 2008. En ce qui concerne les articles de revues scientifiques et techniques, la Tunisie a réussi à dépasser exponentiellement ses voisins et atteindre 1022 publications en 2009, alors qu'elle a simplement publié 91 articles en 1993. En comparaison, l'Algérie a publié 123 articles en 1993 et 606 en 2009. Cependant, le Maroc a vu ses 164 publications de 1993 atteindre seulement 391 en 2009.

Articles de revues scientifiques et techniques

Cette croissance exponentielle des publications est directement liée à la restructuration majeure qui a eu lieu suite à la promulgation de la Loi d'Orientation de 1996. En fait, un examen plus attentif de ces dynamiques, en particulier dans les domaines académiques bien établis tels que la chimie, montre sans aucun doute la relation de cause à effet entre la date de promulgation de cette législation et le développement des publications qui s'ensuivit. Selon Thomson Reuters en 2011, le nombre de publications par million d'habitants fait de la Tunisie le premier pays en Afrique et la place également devant l'Arabie Saoudite.

Un grand nombre de ces publications ont été publiées à la suite de travaux de recherche en collaboration entre les chercheurs tunisiens et leurs principaux collègues à l'étranger. Le Rapport sur la Recherche Globale en Afrique publié par Thomson Reuters en avril 2010, révèle que la Tunisie avait 32,6%, 2,8%, 2,7%, 2,5% et 2,1% de ses publications en collaboration avec la France, les Etats-Unis, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni, respectivement. Ces résultats sont analogues à ceux de l’Algérie, montrant des similitudes entre les pays voisins, mais remarquablement différents pour l'Égypte qui collabore non seulement avec les États-Unis et le Royaume-Uni, mais également avec l’Allemagne, le Japon et l'Arabie Saoudite. Il faut noter que ces statistiques changeront très certainement en faveur de la coopération Tunis-Allemande vu qu’un ambitieux programme bilatéral de coopération en recherche et innovation a été lancé pour la première fois dès le début de cette année.

Malheureusement, cette performance relative de la Tunisie est compensée par la modeste contribution des activités de R&D à l'économie tunisienne. Pour exemple, le rapport de la Banque Africaine de Développement, Tunisie : Défis Economiques et Sociaux post révolution, a signalé que seulement 17 brevets internationaux ont été accordés par l'USPTO et l'OEB à la Tunisie entre 2001-2010 et 22 pour le Maroc. Cette observation est corroborée par la faible performance en exportation de haute technologie. En effet, la Tunisie a exporté 4,9%, en 2010, alors que le Maroc a atteint les 7,7%. Ces résultats sont révélateurs d'une rupture dans le SNI tunisien, malgré l'évolution notable du nombre de chercheurs, des ingénieurs et des scientifiques, ainsi que des publications scientifiques et techniques. Il est évident que ces performances contrastées entre la Tunisie et le Maroc, malgré les différences notables en faveur de la Tunisie dans les indicateurs ci-dessus, est une indication des différences structurales, qui se sont produites en 1997, en aval, le long des chaînes respectives de l'innovation!
 
 
Exportations haute technologie (% exportations produits manufacturés)

Encore une fois, le rendement qui est loin d’être satisfaisant du système de l'innovation est clairement confirmé par l’Index Global de la compétitivité 2011-2012, où la Tunisie atteint juste un pauvre 3,6 en matière d'innovation et un 3,8 en préparation technologique; ce qui donne un score de 3,9 dans l'index de l'innovation et de la sophistication. En outre, de faibles dépenses en R&D en entreprise, avec un score de 3,4 ainsi qu'un faible indice de collaboration université-industrie en R&D de 3,7 expliquent la faible capacité de 3,4 pour l'innovation des PME tunisiennes.

Lacunes des réponses politiques actuelles:

La révolution a été l'ultime expression d’une défaillance systémique, une levée de boucliers d'une population désespérée qui a conquis sa peur et évincé un État policier corrompu qui ne pouvait plus le contrôler. Le révélateur de cet échec a été une crise flagrante durable du chômage des jeunes caractérisée par un pourcentage élevé, apparemment absurde, mais symptomatique de diplômés du supérieur au chômage. En effet, et pendant la dernière décennie ou presque, plus le demandeur d'emploi était instruit moins il/elle avait de chances de trouver un emploi! Cette situation absurde sera dénommée le Paradoxe Tunisien.

Les principales lacunes, indépendamment de la corruption et du manque de liberté, qui ont contribué à cet état des choses, sont :

         L'absence d'une vision collective;
         Malgré les réussites isolées, le “système” n'a pas tenu ses promesses;
         Le manque de cohérence globale et l'absence de coordination ont entraîné une défaillance systémique;
         Malgré les programmes de modernisation industrielle, l'innovation est restée fragile;
         Absence de synergies, même avec les multitudes d'incitatifs et de programmes.

Recommandations:

Les lacunes et les défis reconnus cités précédemment sont en effet l'occasion pour la Tunisie de trouver sa voie pour une transformation profonde. Facilitant par conséquent son ascension au rang des nations développées et transformant ses SNI pour rattraper les pays émergents.

Dans cette dernière section, un certain nombre de recommandations à court et moyen termes est proposé:


Enseignement Supérieur:

  1. Accorder l'autonomie aux meilleures universités, dans le cadre d'un programme de différenciation salutaire;
  2. Remodeler la gouvernance de l'université en adaptant les pratiques exemplaires et les structures compatibles avec la qualité de l'enseignement et de la formation à la recherche;
  3. Permettre aux universités de diversifier leur financement par la maximisation des rendements, tout en jouant leur rôle comme moteur local de la croissance socio-économique et de développement.

Industrie:

  1. Adopter une politique industrielle à long terme, capable, dans les court et moyen termes, de consolider les secteurs concurrentiels, tout en lançant progressivement une douzaine de niches à haute valeur ajoutée dans le cadre d'une stratégie cohérente;
  2. Initier des programmes nationaux d'acquisition de l'innovation, afin d'accélérer la mise en œuvre de la politique industrielle;
  3. Soutenir un certain nombre de grands projets nationaux de ST&I ciblés, afin de renforcer la capacité, d'encourager le travail collaboratif et de stimuler l'apprentissage collectif.

Gouvernance:

  1. Créer un poste de Vice-Premier Ministre pour coordonner le système complexe de ST&I et s'assurer de son alignement avec les autres politiques et stratégies nationales;
  2. Rationaliser la structure du SNI réel avec des modèles confirmés, tout en gardant les mêmes composantes et en modifiant légèrement leurs missions et leurs rôles;
  3. Développer une capacité effective et suffisante pour l’élaboration et l’analyse de politiques en ST&I ainsi que des capacités de gestion en R&D.


Prof. Jelel Ezzine

President of the Tunisian Association
for the Advancement of Science,
Technology and Innovation (TAASTI)
jelel.ezzine@gmail.com

Thursday, April 4, 2013

ST&I: Tunisia’s Lifeboat!




Abstract:

This modest contribution comes at a time when Tunisia is trying to find its way to a true democracy, equitable growth and dignity for its people. Youth joblessness in general and the unemployment of university degree holders in particular, were the main fuel of the Jasmine Revolution. Unless the true underlying causes are identified, all prescribed solutions, no matter how ingenious they are, won’t produce the collectively desired results. This short document, attempts to show that the key underlying cause, and thus Tunisia’s Achilles’ heel, is the poor structure of its industry. The analytic National Innovation System (NIS) framework is used to tackle this enduring and complex problem. Standard indicators, spanning the main components of the NIS, are used in an attempt to debunk the culprits, and initiate a collective curative process for our ailing society.

Introduction:

On the 14th January 2011 the free people of Tunisia forced their corrupt ruler from power, and collectively willed to build a modern peace loving democratic society. On the 23rd October 2012 they confirmed their historic choice and held their first successful democratic elections. The on going Jasmine Revolution, punctuated by these two key dates, was a spontaneous ideologiless, leaderless and peaceful awakening claiming social and economic justice. It was energised by people’s thirst for dignity, peace and democracy, the chains breaking words of our poets and prayers seeking divine blessings for our martyrs that either gave their blood for freedom or died awaiting a loaf of bread. These unprecedented events sparked the Arab Spring, and inspired the Occupy Movement.

Despite the success of the elections, the relatively democratic political process and the support of the international community, Tunisia is still struggling, among others, with high unemployment, significant regional inequalities, and increasing corruption. It goes without saying that this enduring state of affairs is the result of almost half century of autocratic leadership, exacerbated by an unduly erratic two years post revolution transition. In fact, as these words are being written, the head of the Troika government presented his resignation, after failing to constitute a small apolitical government staffed with technocrats, in the aftermath of a strongly condemned first and hopefully last political execution.

These successive government failures, attest to the incapability of the political leadership, in and out of the government, to apprehend the most urgent problems. They kept talking about several issues such as security, national and regional growth, and employment, without offering any viable actions or plans to gain the trust of the population, and start alleviating the social pressure. The last two years downward spiral, leading to a grotesque cold-blooded political assassination, was accelerated by a relentless struggle for power, futile populism, and an absence of willingness and/or competence to debunk the true underlying causes of the crises.  As a matter of fact, and at best, almost all deployed actions and programs were reminiscent of the pre-revolution government!

The youth joblessness crisis was the telltale of a lingering systemic failure, a persistently ticking time bomb that was consistently ignored, in favour of restricting freedoms, intimidating citizens, and looting the country, but theatrically tackled with make-believe policies. This unemployment state of affairs was characterised by a seemingly absurd but symptomatic high percentage of jobless university degree holders. As a mater of fact, and for the last decade or so, the more educated the job seeker was, the lesser chances she/he had to find a job! This counterintuitive situation will be referred to as the Tunisian Paradox.

A Post Revolution vision:

Post revolution Tunisia has a unique and a historic opportunity to intelligently leverage its competitive advantages and swiftly catch up with the developed world, while simultaneously taking the lead in becoming a Sustainable Knowledge Society (SNS). This long-term vision stipulates that Tunisia secures its place on the world stage as a Knowledge-based society where Innovation-led sustainable growth, creative and skilled entrepreneurial human capital, and democratic political system, pave the way towards economic and labour force competitiveness, equitable and inclusive national and regional sustainable growth, along with the betterment of local and global well being. It is interesting to note, that the underlying causes of the Jasmine Revolution, the Arab Spring and the Occupy Movement are symptomatic of the same social ills, making of Sustainable Knowledge Tunisia an experiment worthy of attention for the rest of the planet.

In order to achieve the above vision Tunisia has to espouse, more than ever, a systemic approach where the four pillars of the Knowledge Economy (KE) are harmoniously combined, in time and in space. To swiftly and robustly converge to the above stated vision, it is necessary to create a innovation friendly environment for the efficient creation, dissemination, and use of knowledge through a proactive Economic and Institutional Regime, to provide educated and skilled population that is able to effectively use knowledge through a high quality, flexible and responsive Education System, to facilitate effective communication, dissemination, and processing of information via a modern Information and Communication Technologies (ICT) infrastructure, to stoutly pursue the connection and assimilation of global knowledge, the adaptation and creation of local knowledge for the socioeconomic benefit via a viable National Innovation System (NIS).

While the above four pillars of the KE are necessary for the foundation of a successful knowledge-based economy, they remain insufficient as to the attainment of a sustainable society. In order to secure sustainability it is fundamental to further characterize the Knowledge Society (KS) we will be building in general and the type of innovations we will be producing in particular. In this framework, economic growth, social cohesion and environmental protection must go hand in hand making sustainable development an integral part of policymaking. The complementary KE and Sustainability dimensions integrated within a systemic framework require suitable governance and institutional cybernetic architecture capable of the required, steering, monitoring and coordination functions.

Obviously, it is far from enough to have a vision, a strong willpower to pursue it and even a unique window of opportunity to launch it, if the minimal socio-political, institutional and material substrates are not available! In fact, Tunisia is a country with scarce natural resources, limited ST&I policy making and R&D management experiences, and almost inexistent and at best inoperative ST&I coordinating and monitoring institutions. Therefore, for Tunisia to swiftly and progressively converge to this vision, it has to secure the adherence of all stakeholders, clearly seek and devise polarizing strategic growth sectors with a portfolio of growth flag ship initiatives within a global and coherent long-term development action plan.

Strong economies have usually relied on three polarizing major sectors, i.e., armament, space and health. However,  small countries, such as Tunisia, with scarce natural resources, small market, slowly receding cheap labour, and a relatively strong highly skilled base, has the potential to successfully engage in high vale added sectors and technologies, while investing viably in areas for its strategic security, e.g., agriculture, energy, and water.

In order for the above vision to succeed and thus lead to sustainability, it is necessary to work towards the establishment of a sustainable consumption and production society whose sustainable performance is measured by appropriate indicators such as its footprint.  Simultaneously, Tunisia has to zoom initially into eco-efficient technologies and move progressively but surely to green-innovation with a strong and dynamic entrepreneurial engagement consolidated with aggressive public investment. To do so, and build resilience against disturbances, Tunisia needs to urgently build capacity and acquire the proper know-how, methodologies and tools especially evidence-based policy analysis and design, strategic planning and management, foresighting for development, NIS reorientation and priorities setting, and roadmapping for technology and innovation.

Invigorated with this vision and the needed viable strategies and action plans to attain it, the Tunisian people will be able to regain hope, trust their leadership and work hard while looking forward to better future for themselves and their children. Nevertheless, this is only possible if the political context is ripe for such an undertaking. While preparing the necessary foundations to launch this vision, and gain as much grounds for the successful implementation of this few decades’ long complex process. The present government, with the support of the opposition and all concerned institutions should agree on an inclusive post revolution compact, abstain from political power games, and guarantee the following three necessities: (i) security, (ii) jobs for the youth and (iii) rebooting the economy. An attempt to implement a similar project, was initiated by the previous head of the government, and immediately aborted by the main political party, whose General Secretary is nothing but the initiator!


An Innovation System in the Making:

A Three Millennia Innovation Legacy:

During the last three millennia, Tunisia has been an exceptional place for blending, disseminating and flourishing of several civilisations such as the Carthaginian, the Roman and the Hafsids. The openness of the country to other cultures, its ethnic and religious tolerance, coincided with its prosperity as attested by the diversification of its markets and trade, as well as its mastery of science and innovation.

Tunisia saw knowledge thrive during its Carthage era. Architecture, shipbuilding, irrigation and agriculture were among many successful sectors as attested, entre autres, by the 4th Century BC, 28 volumes Magon Treaty.

As early as the 7th Century, Tunisia played a key role, and saw its capital Kairouan become a hub of learning and intellectual pursuits in the Arab-Islamic world. The Great Mosque of Kairouan, founded in 670, along with its teaching arm was a centre of education both in Islamic thought and secular sciences. Among its old pupils and scholars Ibn Al Jazzar an influential 10th Century Muslim physician, well known for his “Zad Al-Musaffir” (The Viaticum) book. During the 13th Century Tunis was made the capital of Ifriqiya. This shift of power helped the Al-Zaytouna Mosque, host of the first and greatest university in the history of Islam, to flourish as major Islamic learning and scholarly centre. Ibn Khaldun, a Tunisian scholar, is the most famous among its many alumni. He is most known for his Al-muqaddimah (Prolegomena) and viewed as one of the fathers of modern historiography.

The 19th Century Beylical Tunisia, witnessed the creation, by Ahmed Bey, of the Technical School in 1840, and the Military College of Bardo in 1855. This effort of modernisation was carried further by Mohamed Sadok Bey, under the influence of his Minister Kheireddine Pacha, by the creation among others of the Sadiki College in 1875, partly inspired from the European educational system. Ex-President Habib Bourguiba is among his former students.

The French protectorate era, witnessed the creation of a number of needs-driven research instructions, among them, withy their present designations, the Pasteur Institute of Tunis in 1893, the National School of Agriculture in 1898, and the National Institute of Marine Science and Technology in 1924. After WWII, the above research institutions were augmented by the Institute of Higher Education in 1945 within the University of Paris. Among its students, 300 Tunisians were enrolled.

The Precursor to the Innovation System:

Independent Tunisia, realised very early its national pressing and urgent educational and research needs among several socio-economic ones, and swiftly responded to these challenges by the creation of the Ecole Normale Supérieure, in 1956, and the National Institute of Agronomy of Tunis, previously designated as Ecole Supérieure d’Agriculture of Tunis, in 1959. These creations were followed by the creation of the University of Tunis in 1960. The university included the Faculty of Science, the Faculty of Letters and Human Sciences, the Faculty of Law, Political Sciences and Economics, The Faculty of Medicine and Pharmacy, and the Faculty of Theology, the former Zitouna. Almost simultaneously, the Arid Region Problems Research Centre, and the Economics and Social Research Study Centre (CERES), were established in 1961 and 1962, respectively. The National Engineering School of Tunis (ENIT) was created in 1969.

It is important to note, that almost a decade after the creation of the first university in Tunisia, it was decided in 1968, to abandon the university system, and place all higher education institutions and national research centres under the control of the newly created Directorate General of Higher Education and Scientific Research (DGESES) of the Ministry of National Education. Shortly after this peculiar and significant restructuring, it was decided, in 1972, to establish advanced academic degrees equivalent to the master’s level, launching accordingly the Graduate Studies in Tunisia.

The latter restructuring and creation dynamics, along with the increasing numbers of the academic staff, allowed the creation of some research laboratories and several master’s degrees programs in several academic fields. As a consequence, the number of students grew, and prompted the creation of several higher education institutions first in Sousse and Sfax, in 1974, and Monastir and Gabes in 1975.

These accelerated development, led to the creation, in 1978, and for the first time of a dedicated scientific research ministry, dubbed the Ministry of Higher Education and Scientific Research (MHESR). Not only did this ministry inherit and expand the mission of the DGESRS, but did also acknowledge the nature of the development phase of the research system and the need to build capacity and thus keep higher education and academic research closely connected.

Tunisia’s Innovation System Today:

The landmark event that launched the Tunisian scientific Research System was the promulgation, in the 31st of January 1996, of the Orientation Law concerning Scientific Research and Technological Development. This founding legislation was the result of the creation, in February 17, 1991 within the Prime Ministry of the Secretariat of state for Scientific Research upgraded in February 17, 1992 to the Secretariat of State for Scientific Research and Technology (SERST). The focus of SERST was research activities oriented towards socio-economic development, while basic research and graduate education remained with the Ministry of Education and Science.

Formulated within the NIS framework, the Orientation Law’s main objectives were:

  • Reinforcing coordination between the different components of the NIS in order to create the necessary synergy, to build enduring competencies, and to ensure a sustained financial support,
  • Promoting capacity building as the key pillar of the NIS, as well as technological innovation,
  • Increasing progressively R&D expenditure, while ensuring diversity of financial resources and reinforcing private and international contributions,
  • Promoting innovation and technological development through the support of innovative companies, the valorisation of research results, the reinforcement of partnership between research an industry, as well as the creation of techno-parks and incubators,
  • Reinforcing follow up and evaluation of research activities and structures,
  • Developing international cooperation in order to facilitate the exchange of best practices, to access international scientific excellence networks, to benefit from international financing, and to be an active contributor to human knowledge,

Shortly after, a number of institutions reminiscent of modern National Innovation Systems were created and/or added to the existing ones, within and/or under the tutelage of the Ministry of Higher education and Scientific Research (MHESR), and the Ministry of Industry and Technology (MIT). As stated in the above objectives, these institutions were to insure the execution, the monitoring and evaluation of the activities stipulated in the Orientation Law and its subsequent implementation decrees.

The current NIS is made of the following main components, grouped in the standard four different levels:

Level 1: High level policy

  1. The Higher Council of Scientific Research and Technology,
  2. The High Level Committee for Science and Technology,
  3. The National Consultative Council of Scientific Research and Technology,

Level 2: Ministry

  1. Ministry of Higher Education and Scientific Research, (the Directorate General of Scientific Research (DGRS), is the main funding body for scientific research),
  2. Ministry of Industry and Technology.

Level 3: Agency

  1. The National Evaluation Committee of Scientific Research Activities (CNEARS),
  2. The National Observatory of Science and Technology (NOST),
  3. The National Agency for the Promotion of Research (ANPR),
  4. The National Institute for Standardisation and Industrial Property (INNORPI),
  5. The Agency for the Promotion of Industry and Innovation (APII).

Level 4: Research and Innovation Performers

  1. The Universities and Public Research Centres (Tunisia’s R&D system is composed of about 140 research laboratories, 500 research unit, evolving in 13 Universities, as well as 33 public research centres, 8 technical centres, and 10 technoparks.)
  2. Business enterprises and private research institutions (The industry in Tunisia is made of almost 6000 SMEs having 10 or more employees, of which 2 800 are totally exporting ones, 1975 with foreign participation, 1221 are 100% foreign owned, and 1679 are totally exporting SMEs.)

In order to energise the NIS and facilitate the emergence of synergies among its different subsystems, a number of R&D programs and financial instruments were deployed since 1992. Among these the Federated Research Program (PRF), the National Research and Innovation Program (PNRI), the Valorisation of Research Results Program (VRR), and the R&D Investment Premium (PIRD). The capital-risk mechanisms, especially the SICARs (Société d’Investissment à Capital Risque), was amended in 2009 to encourage further risk-taking.

A Performance Preview of the Innovation System:

Education, scientific research and innovation sectors had always a place of choice in Tunisia’s development strategy. This comes as recognition of their essential role in the country’s development. According to the World Bank data, Tunisia’s spending on education in 2008 was 6.3% of GDP, which is clearly higher than Algeria (4.3% in 2008) and Morocco (5.4% in 2009).  In 2009, 34.4% of the corresponding population benefited from tertiary education (Algeria: 32.1% in 2011, Morocco: 13.2% in 2009). According to the World Economic Forum’s Global Competitiveness Report 2011-2012, Tunisia ranks 24th as to primary education enrolment and 40th regarding its quality. Moreover, the same report ranks the overall quality of the educational system 41st, and the quality of math and science education 18th. It is however unfortunate to note that Tunisia was much better ranked last year!




R&D expenditures saw a steady increase during the last decade. They more than doubled, going from 0.5% in 2000 to 1.1% in 2009. While this performance remains unmatched in the region, i.e., 0.1% for Algeria in 2005, and 0.6% for Morocco in 2006, it fails short from responding to the needs of the country to move up the value chain. The number of researchers in R&D, per million people, almost tripled during the last two decades. Indeed, the indicator went from about 700 in 1998, to 1.9 thousands in 2008. This performance remains notable in the region when compared to 170 for Algeria in 2005 and 661 for Morocco in 2008. Concerning scientific and technical journal articles, Tunisia managed to exponentially outnumber its neighbours and reach 1022 publications in 2009, while it merely published 91 articles in 1993. Comparatively, Algeria published 123 article in 1993 and 606 in 2009. However, Morocco saw its 164 publication of 1993 reach only 391in 2009.



This resulting exponential publications growth is directly due to the major restructuring that took place following the promulgation of the 1996 Orientation Law. As a matter of fact, a closer inspection of these dynamics, especially in well established academic fields such as chemistry, shows without any doubt, the cause and effect relationship between the promulgation date of this legislation and the ensuing publications renewal. According to Thomson Reuters in 2011, the number of publications per million population, makes of Tunisia the leading country in Africa, as well as ahead of Saudi Arabia.

A large number of these publications were published as a result of collaborative research work between the Tunisian researchers and their main colleagues abroad. Africa Global Research Report published by Thomson Reuters in April 2010, reveals that Tunisia had 32.6%, 2.8%, 2.7%, 2.5% and 2.1% of its publications with France, USA, Italy, Spain and the UK respectively. These results are analogous to Algeria’s, showing the similarities between the neighbouring countries, but strikingly different for Egypt that not only collaborates with the USA and the UK, it also does with Germany, Japan and Saudi Arabia. It is worthy to note that these statistics will most certainly change in favour of the Tunisian German cooperation, since an ambitious bilateral research and innovation cooperation program was launched for the first time as early as the beginning of this year.

This relative performance of Tunisia is unfortunately offset by the modest contribution of R&D to the Tunisian economy. For instance, The Tunisia: Economic and Social Challenges Beyond the Revolution report by the African Development Bank, reported that only 17 international patents were granted by the USPTO and EPO to Tunisia during 2001-2010, and 22 for Morocco. This observation is corroborated by the low high-technology export, performance. Indeed, Tunisia exported 4.9%, in 2010, while Morocco achieved a 7.7%. These results are a revelation of a breakdown in the Tunisian NIS, despite the noticeable evolution of the number of researchers, engineers and scientists and scientific and technical publications. It is obvious that these contrasted performances between Tunisia and Morocco, notwithstanding the marked differences, in favour of the former, in the indicators above, is an indication of structural differences, which took place in 1997, downstream the respective innovation chains!




Again, the far from satisfactory performance of the innovation system is clearly confirmed in the 2011-2012 Global competitiveness Index, where Tunisia scores just a poor 3.6 in innovation, and a 3.8 in technological readiness, yielding a score of 3.9 in the innovation and sophistication index. Moreover, A low company spending on R&D score of 3.4, along with a weak university-industry collaboration in R&D index of 3.7, explain the low 3.4 capacity for innovation of the Tunisian SMEs.

Shortcomings of current policy responses:

The revolution was the ultimate expression of a systemic failure, an outcry of a desperate population that conquered its fear and ousted a corrupt police state that could no longer control it. The telltale of that failure was a lasting blatant youth joblessness crises characterised by a seemingly absurd but symptomatic high percentage of jobless university degree holders. As a mater of fact, and for the last decade or so, the more educated you were the lesser chances you had to get a job! This counterintuitive situation is nothing short from a Tunisian Paradox.

The key shortcomings, regardless of corruption and lack of freedom, which contributed to this state of affairs, are:

         Lack of a collective vision,
         Despite the isolated successes, the “system” didn’t deliver,
         Lack of global coherence, and absence of coordination, led to a systemic failure,
         Despite industrial modernization programs, innovation remains frail,
         Absence of synergies even with the multitudes of incentives and programs.

Recommendations:

The above acknowledged shortcomings and challenges are indeed an opportunity for Tunisia to find its pathway for deep transformation. Consequently, facilitating its ascension to the rank of developed nations, and transforming its NIS to catch up with the frontier countries.

In this final section, a number of short and medium terms recommendations are made:

Higher Education System:

  1. Grant autonomy to the leading universities, within a healthy differentiation program,
  2. Reshape university governance by adapting best practices and structures compatible with high quality education and research training,
  3. Allow the universities to diversify their funding by maximising returns while playing their role as a  local engine of socio-economic growth and development,

Industry System:

  1. Adopt a long term industrial policy capable, in the short and medium terms, of consolidating the competitive sectors, while launching progressively a dozen of high value added niches within a coherent strategy,
  2. Initiate national innovation procurement programs, to accelerate the implementation of the industrial policy,
  3. Champion a number of targeted large national ST&I projects to enhance capacity, encourage collaborative work, and boost collective learning,

Governance:

  1. Create a Vice Prime Minister position to coordinate the complex ST&I system, and insure its alignment with the remaining national policies and strategies,
  2. Streamline the structure of the actual NIS with confirmed models while keeping the same components and slightly modifying their missions and roles,
  3. Built effective and sufficient capacity due regards ST&I policy analysis and design along with R&D management capabilities.


Prof. Jelel Ezzine
President of the Tunisian Association
for the Advancement of Science,
Technology and Innovation (TAASTI)